FORMALISATION DE L'ANALYSE EN
CONSTITUANTS IMMÉDIATS
On admet traditionnellement que les concepts théoriques et méthodologiques mis en oeuvre par les partisans ou plutôt les praticiens de l'analyse en constituants immédiats correspondent à une théorie linguistique qu'il est possible de simuler à l'aide d'une grammaire formelle dite syntagmatique.
I. NOTION DE GRAMMAIRE FORMELLE.
1. DÉFINITION: On appelle grammaire formelle un mécanisme abstrait qui, à partir d'un vocabulaire fini et à l'aide d'un ensemble fini de règles est susceptible d'énumérer mécaniquement toutes les phrases, c'est-à-dire toutes les combinaisons de mots, qu'il est possible de réaliser. Plus techniquement, les mathématiciens disent que c'est un quadruplet formé
.d'un vocabulaire dit auxiliaire VA,
formé, comme son nom l'indique, de mots qui servent à énumérer les phrases,
mais qui n'apparaîtront pas dans ces phrases
.d'un axiome (ou symbole distingué), appartenant à ce
vocabulaire auxiliaire, qui permet d'enclencher le processus d'énumération
d'une phrase,
.d'un vocabulaire terminal VT, formé lui
des mots dont les combinaisons constitueront les phrases
.et d'un ensemble fini de règles, dites règles de
dérivation ou de formation, qui permettent d'énumérer ces phrases et qui sont
de la forme S --> T, où S et T représentent des suites appartenant à l'union
du vocabulaire auxiliaire et du vocabulaire terminal, et où la flèche note une
opération qui remplace la suite S par la suite T. En réalité, S appartient au
vocabulaire auxiliaire, puisqu'étant remplacé par T, il ne saurait être
terminal. Et pour des raisons de décidabilité, on limite S à n'être qu'un seul
élément du vocabulaire auxiliaire. (cf. A. V. Gladkii, Leçons de linguistique
mathématique, Leçons de linguistique mathématique, 49-50; N. Chomsky
& G. A. Miller, L'analyse formelle des langues naturelles, 25; M.
Gross et A. Lentin, Notions sur les grammaires formelles, 44-45).
2. "GRAMMAIRE GÉNÉRATIVE": Une grammaire formelle n'est donc pas en soi une théorie du langage: ce n'est qu'un moyen de modéliser les théories du langage, ce n'est qu'un cadre de formalisation. Et comme le remarquait Paul Postal, "ce cadre est empiriquement neutre et n'exclut aucune hypothèse possible sur la nature du langage" (d'après Postal, 1964, Constituent structure: A study of contemporary models of syntactic description, préface).
Certes à l'intérieur de ce cadre et grâce à ce cadre s'est développée une théorie qui, elle, n'est pas neutre et que l'on appelle souvent aussi "la grammaire générative". Il s'agit de la théorie linguistique particulière qui a pour origine les travaux du linguiste américain Noam Chomsky, et dont la pièce maîtresse a été pendant longtemps la notion de transformation. A vrai dire, cette appellation de grammaire générative, qui a été vulgarisée notamment par Nicolas Ruwet dont le maître livre s'intitule "Introduction à la grammaire générative" et est en fait une introduction aux théories de Noam Chomsky, est un raccourci de langage qui se comprend fort bien quand on sait que là où les mathématiciens francophones parlent de "grammaire formelle", les mathématiciens anglophones parlent, eux, de "generative grammar". Le modèle de théorie linguistique auquel Nicolas Ruwet introduit ses lecteurs est en réalité une grammaire formelle particulière qui utilise comme règle de formation des transformations et est donc, à proprement parler, une grammaire formelle transformationnelle.
Pour éviter les confusions théoriques, tout en se conformant aux usages maintenant bien établis, on pourrait appeler "grammaire générative" entre guillemets la grammaire formelle ou la grammaire générative particulière qui est pronée par Noam Chomsky et qui utilise comme règles de formation des transformations, et recourir à l'expression française de grammaire formelle pour désigner l'outil mathématique de formalisation que les anglais appellent "generative grammar". Remarquons cependant que la confusion terminologique courante entre la grammaire générative tout court et ce que nous appelons la "grammaire générative" se comprend assez bien au point de vue historique; car ce sont finalement les mêmes personnes qui ont inventé le cadre de formalisation qu'est la generative grammar et la théorie linguistique qu'est la grammaire générative transformationnelle ou "grammaire générative" tout court.
3. LES PRINCIPALES SORTES DE GRAMMAIRES FORMELLES: Si toute théorie syntaxique peut être formalisée par le même outil de formalisation qu'est une grammaire formelle, elles vont se distinguer les unes des autres par le type particulier de grammaire formelle auxquelles elles correspondent. Les grammaires formelles ont en effet des propriétés différentes selon le genre de règles de formation qu'elles mettent en oeuvre. C'est donc la nature des règles ainsi utilisées et les propriétés spécifiques qui en découlent qui différencieront les théories linguistiques qui seront formalisées à l'aide d'une grammaire formelle particulière.
C'est ainsi que les théoriciens des grammaires formelles ont distingué par exemple
grammaire indépendante du contexte (cf. p. 3 de "IV. Formalisation de l'analyse en C.I.")
grammaire contextuelle (cf. p. 3-4 de "IV. Formalisation de l'analyse en C.I.")
grammaire syntagmatique (cf. p. 4 de "IV. Formalisation de l'analyse en C.I.")
4. PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DES GRAMMAIRES: Les grammaires formelles ont un certain nombre de propriétés intrinsèques qu'il importe de préciser.
a. NOTIONS DE dérivation et D'indicateur syntagmatique: Le principal intérêt pour le linguiste des trois sortes de grammaires mentionnées ci-dessus est à chercher dans le fait général qu'elles permettent, comme le dit Nicolas Ruwet, "d'assigner un indicateur syntagmatique aux phrases engendrées au moyen d'une dérivation" (Ruwet, 1968, 122). Que faut-il entendre par là?
NOTION DE DÉRIVATION: La formulation des différentes règles de formation qui doivent être mises en oeuvre pour engendrer une phrase donnée forme ce qu'on peut appeler une dérivation.
De fait, "une dérivation consiste, comme le dit Nicolas Ruwet, en une séquence finie de suites de symboles <appartenant au vocabulaire auxiliaire ou au vocabulaire terminal>, dont la première est une suite initiale (c'est-à-dire # P #), et où chaque suite découle de la précédente par l'application d'une règle" (Ruwet, 1968, 122). En d'autres termes, "une dérivation (de séquence donnée à partir d'une grammaire donnée) est une suite de séquences de symboles dont la première est une séquence initiale et dans laquelle chaque séquence découle de la précédente par l'application d'une règle. C'est-à-dire que les séquences XYZ et XWZ peuvent être des lignes qui se suivent dans la dérivation si et seulement si il existe une règle Y Æ W (où une règle XYZ Æ XWZ). En passant d'une ligne de la dérivation à la suivante, on doit avoir recours à une règle et à une seule" (Bach, 1973, 35).
Exemple: soit la grammaire G constituée par les trois règles suivantes:
P Æ RR (règle 1)
G = R Æ aRb (règle 2)
R Æ c (règle 3)
Elle permet la dérivation suivante:
P
RR (par application de la règle 1)
aRbR (par application de la règle 2)
aRbc
(par application de la règle 3)
aaRbbbc
(par application de la règle 2)
aacbbc
(par application de la règle 3)
Cette même grammaire permet aussi la dérivation suivante, qui du reste engendre la même phrase:
P
RR (par application de la règle 1)
Rc
(par application de la règle 3)
aRbc (par application de la règle 2)
aaRbbc
(par application de la règle 2)
aacbbc
(par application de la règle 3)
On peut dire que ces deux dérivations engendrent exactement la même suite terminale, à savoir aacbbc, et qu'elles ne diffèrent que par l'ordre dans lequel les règles ont été appliquées.
LA NOTION D'INDICATEUR SYNTAGMATIQUE: A chacune de ces deux dérivations peut être associé un graphe, c'est-à-dire un ensemble de points (ou "sommets") et de flèches (ou "arcs", cf. Sache, 1974, 8), qui relient deux par deux ces points. Ce graphe sera en quelque sorte une représentation graphique de la dérivation. Chaque symbole des différentes séquences de la dérivation correspondra à un point; et des traits relieront chaque point d'une séquence soit à celui qui est identique dans la séquence qui suit immédiatement, soit à celui ou à ceux de la séquence suivante qui le remplacent en vertu d'une des règles de la grammaire. C'est ainsi qu'à la première dérivation correspondra le graphe suivant:
et à la seconde, cet autre graphe:
Ces deux graphes qui représentent la même phrase sont donc différents. Mais si, dans l'algorithme qui associe un graphe à une dérivation, on prévoit une instruction qui supprime tous les symboles identiques entre deux séquences qui sont reliés verticalement, sauf le plus élevé, et remplace par conséquent les chemins
où les différents X sont identiques, par le seul premier de ces X, on obtient, à partir des deux graphes différents qui précèdent un même graphe, qui certes est moins riche en informations qu'eux deux, mais qui "ne retient <d'eux>, comme le dit Noam Chomsky, que ce qui est essentiel pour déterminer la structure syntagmatique (analyse en constituants) de la phrase dérivée" (Chomsky, 1969, 31), c'est-à-dire son organisation structurale. Il ne retient en effet que l'application des règles qui, remplaçant un symbole par un ou plusieurs symboles différents, engendrent une structure en constituants immédiats, et néglige l'ordre d'application de ces règles, qui, lui, n'est absolument pas pertinent pour établir une décomposition en constituants immédiats. C'est ce graphe simplifié que l'on appelle l'indicateur syntagmatique d'une phrase, parce qu'il ne représente que l'organisation syntagmatique, c'est-à-dire structurale, de ladite phrase:
"Un indicateur syntagmatique est donc, à strictement parler, la représentation, non d'une seule dérivation, mais d'un ensemble de dérivations équivalentes (autrement dit «de la classe de toutes les dérivations qui ne diffèrent que par l'ordre dans lequel leurs éléments ont été développés», (Postal, Constituent structure, 1964, p. 12)" (Ruwet, 1968, 124).
On dit traditionnellement que cet indicateur syntagmatique est "un graphe sous forme d'«arbre»" (Picabia, 23), ou tout simplement un arbre. Cette façon de parler maintenant tout à fait usuelle, est inexacte au point de vue mathématique. Car "un arbre est un graphe fini connexe sans cycles ayant au moins deux sommets" (Lentin, 1971, "La boite à outils", in: Informatique et sciences humaines, 9, 6), connexe voulant dire qu'entre deux sommets il y a toujours un chemin ou une arête. Il serait plus juste de dire que cet indicateur syntagmatique est "une arborescence doublement orientée" (Lentin, 197, 7), que Jean-Pierre Desclés propose d'appeler un dendron. Une arborescence est en effet un arbre orienté hiérarchiquement, c'est-à-dire en termes de successeurs immédiats. Or l'indicateur syntagmatique, qui est bien orienté hiérarchiquement, "fait appel en fait à deux types de relations: une relation hiérarchique ou de dépendance et une autre relation qui distingue la gauche de la droite" (Barbault et Desclés, Transformations formelles et théories linguistiques, Document de linguistique quantitative n°) 11, Paris, 1972, 42), et donc à "deux ordres: un ordre hiérarchique ou de dépendance et un ordre sur les successeurs immédiats de chaque sommet" (Barbault et Desclés, 1972, 42). Le premier ordre est une hiérarchie verticale en vertu de laquelle des noeuds, parfois appelés fils, dépendent d'un autre noeud, qui est alors appelé père, et le second, un ordre horizontal en vertu duquel un noeud fils précède un autre noeud fils du même père. En termes linguistiques, le premier ordre correspond à une décomposition en constituants immédiats, et le second à l'ordre dans lequel ces constituants immédiats d'une même construction se trouvent dans la chaîne syntagmatique.
b. UN EXEMPLE LINGUISTIQUE: Formulons la grammaire formelle susceptible d'engendrer une phrase comme:
Le vieil homme qui habite ici entra dans la maison de
son fils
en lui assignant un indicateur syntagmatique qui corresponde à l'analyse en C.I. souhaitée.
Il faut disposer d'un vocabulaire auxiliaire formé des catégories suivantes:
P, SN, ProSN, SV, Dét, MN, Adj, N, V, Adv, SPrép,
Passé, Prép
dont P sera l'axiome. Il faut aussi disposer d'un vocabulaire terminal contenant les mots suivants:
le, la, son, vieil, homme, maison, fils, qui, habite,
ici, entr, a, dans, de
ainsi que des règles de formation suivantes:
P Æ SN . SV
P Æ ProSN . SV
SN Æ Dét
. N
SN Æ Dét
. MN
MN Æ Adj . N
MN Æ MN . P
MN Æ N . SPrép
SV Æ V . SPrép
SV Æ V .
Adv
V Æ V .
Passé
SPrép Æ
Prép . SN
On pourra qualifier ces règles de catégorielles, parce qu'elles contiennent et à gauche et à droite de la flèche des catégories du vocabulaire auxiliaire. Il faudra leur ajouter des règles qu'on qualifiera de terminales, parce qu'elles remplaceront une catégorie à droite de la flèche par un mot du vocabulaire terminal:
Dét Æ le
+ la + son
Adj Æ
vieil
N Æ
homme + maison + fils
ProSN Æ qui
V Æ
habite + entr
Passé Æ a
Prép Æ
dans + de
Adv Æ
bien
La dérivation suivante engendrera la phrase:
P
SN SV
Dét MN SV
Dét MN P SV
Dét Adj N P SV
Dét Adj N ProSN SV SV
Dét Adj N ProSN V Adv SV
Dét Adj N ProSN V Adv V SPrép
Dét Adj N ProSN V Adv V Prép SN
Dét Adj N ProSN V Adv V Prép Dét MN
Dét Adj N ProSN V Adv V Passé Prép Dét MN
Dét Adj N ProSN V Adv V Passé Prép Dét N SPrép
Dét Adj N ProSN V Adv V Passé Prép Dét N Prép SN
Dét Adj N ProSN V Adv V Passé Prép Dét N Prép Dét N
le Adj N ProSN V Adv V Passé Prép Dét N Prép Dét N
le vieil N ProSN V Adv V Passé Prép Dét N Prép Dét N
le vieil homme ProSN V Adv V Passé Prép Dét N Prép Dét N
le vieil homme qui V Adv V Passé Prép Dét N Prép Dét N
le vieil homme qui habite Adv V Passé Prép Dét N Prép Dét N
le vieil homme qui habite ici V Passé Prép Dét N Prép Dét N
le vieil homme qui habite ici entr Passé Prép Dét N Prép Dét N
le vieil homme qui habite ici entr a Prép Dét N Prép Dét N
le vieil homme qui habite ici entr a dans Dét N Prép Dét N
le vieil homme qui habite ici entr a dans la N Prép Dét N
le vieil homme qui habite ici entr a dans la maison Prép Dét N
le vieil homme qui habite ici entr a dans la maison de Dét N
le vieil homme qui habite ici entr a dans la maison de son N
le vieil homme qui habite ici entr a dans la maison de son fils
avec l'indicateur syntagmatique suivant:
c. NOTION D'AMBIGUÏTÉ: Si l'on ajoute à la grammaire G les deux règles:
R Æ aR
R Æ bR
la phrase aacbbc peut alors se voir attribuer un second indicateur syntagmatique, c'est-à-dire peut être engendrée par un ensemble de dérivations qui est différent de l'ensemble de dérivations auquel correspond l'indicateur syntagmatique présenté plus haut. Il est en effet possible d'engendrer ladite phrase à l'aide des règles qui donneront la dérivation et l'indicateur syntagmatique suivants:
On dira donc que dans cette nouvelle grammaire, la phrase aacbbc est ambiguë, parce que dans le cadre de cette nouvelle grammaire, il est possible de lui assigner deux indicateurs syntagmatiques différents. Et bien entendu, une phrase est autant de fois ambiguë qu'elle peut recevoir d'"arbres" dans une même grammaire.
Le problème de l'ambiguïté est important dans la mesure où les langues naturelles utilisent assez souvent des phrases ambiguës et où il est donc nécessaire que la grammaire contienne des règles susceptibles de simuler ces ambiguïtés.
Par exemple p. 7-8 de "Structuralisme et générativisme"
d. LA RÉCURSIVITÉ: On dit qu'un symbole auxiliaire A d'une grammaire formelle est récursif (ou cyclique, ou auto-dominant), si à partir de A, est dérivable dans ladite grammaire une séquence qui contient une occurrence de ce même A (cf. Gladkii, Leçons de linguistique mathématique, 1970, I, 88).
Un élément récursif est donc un symbole qui figure à la fois à droite et à gauche de la flèche des règles syntagmatiques.
cf. p. 10-11 de "Structuralisme et générativisme"
e. capacité générative d'une grammaire: Si l'on veut évaluer et comparer plusieurs grammaires formelles, on examinera ce qu'on peut appeler leur capacité générative, c'est-à-dire ce qu'elles sont capables d'engendrer et par conséquent de simuler. Cette capacité générative peut certes être quantitativement plus ou moins grande, c'est-à-dire que les grammaires peuvent engendrer un nombre plus ou moins grand de phrases différentes. Mais il est peut-être plus important de distinguer, au point de vue qualitatif, deux sortes différentes de capacité générative. "Étant donné une théorie descriptive de la structure linguistique, écrit Noam Chomsky, nous pouvons distinguer sa capacité générative au sens faible et sa capacité générative au sens fort: nous dirons qu'une grammaire engendre au sens faible un ensemble de phrases et engendre au sens fort un ensemble de descriptions structurales, chaque description structurale spécifi<ant> une phrase de manière unique, mais l'inverse n'<étant> pas nécessairement vrai" (Chomsky, 1971, 86-87).
Une grammaire formelle peut fort bien dans ces conditions avoir une capacité générative faible acceptable, mais une capacité générative forte insuffisante. "Une grammaire est <en effet> déficiente en capacité générative faible, comme le dit Nicolas Ruwet, si elle n'est pas capable d'engendrer toutes et rien que les phrases grammaticales d'un langage. <Mais> elle est déficiente en capacité générative forte si elle n'est pas capable d'engendrer les descriptions structurales correctes de ces phrases" (Ruwet, 1968, 140).
Il est évident que ce qui intéresse le linguiste (et surtout le syntacticien), c'est la capacité générative forte. Comme le dit Noam Chomsky, "la capacité générative au sens faible est d'un intérêt assez marginal pour la linguistique" (Chomsky, 1971, 87). Démontrer qu'une grammaire donnée ne peut pas engendrer la description structurale de certaines phrases d'une langue particulière est une condamnation de cette grammaire; car cela revient à dire qu'elle est incapable de rendre compte de la structure syntaxique des phrases de cette langue.
5. LES RESTRICTIONS DE LA GRAMMAIRE SYNTAGMATIQUE: Les linguistes utilisent généralement un type particulier de grammaire indépendante du contexte ou contextuelle qu'ils appellent "grammaire syntagmatique". Il serait plus exact de dire un type particulier de grammaire contextuelle, dans la mesure où la grammaire indépendante du contexte n'est qu'un cas particulier de grammaire contextuelle. C'est en effet une grammaire contextuelle qui connaît deux limitations.
a. LE MOT VIDE: La première limitation vient de ce que dans une règle syntagmatique de type XAY Æ XZY le symbole Z représente une suite non nulle de mots du vocabulaire auxiliaire et du vocabulaire terminal. Nicolas Ruwet justifie cette restriction par l'exemple suivant. Si l'on dispose d'une grammaire définie par les règles de formation:
P Æ AB,
A Æ CD, B Æ DE,
D Æ F, D Æ Y
il ne sera pas possible de savoir quel arbre est associé à la dérivation:
Cette
présentation des choses est partiellement inexacte. Si l'indicateur
syntagmatique est construit à partir de la dérivation, il est vrai qu'entre la
suite CDDE et la suite CDE on ne peut pas savoir quel est le D qui a été
supprimé. Mais si l'indicateur syntagmatique est fait à partir de la règle qui
fait passer de CDDE à CDE, alors on sait très bien quel est le D qui est remplacé par F, et l'on n'a qu'un
seul indicateur syntagmatique.
On comprend alors pourquoi Maurice Gross et André Lentin ont pu dire à propos des grammaires indépendantes du contexte: "aucune raison de principe ne commande d'exclure des règles terminales de la forme A Æ E, où E représente le mot vide" (Gross et Lentin, 81)."Cependant, ajoutent-ils, il se révèle techniquement plus commode d'écarter ce genre de règles. On démontre d'ailleurs qu'étant donné une C-grammaire <= une grammaire indépendante du contexte> qui engendre un langage L contenant le mot vide, on peut lui associer une C-grammaire très «voisine» qui engendre L - {E}" (Gross et Lentin, 81). On en dira autant des grammaires contextuelles.
b. LA PERMUTATION: La véritable différence entre la grammaire syntagmatique et la grammaire contextuelle vient de ce que les permutations, qui sont parfaitement possibles dans une grammaire contextuelle, sont interdites dans une grammaire syntagmatique, parce qu'elles sont dépourvues de signification linguistique. Si à une grammaire qui utilise les règles suivantes:
P Æ SN
. SV, SN Æ ProSN, SV Æ V
SPrép, SPrép Æ Adv
et
ProSN Æ tu,
VÆ habites, Adv Æ ici
et est susceptible d'engendrer l'arbre suivant:
on ajoute les deux règles contextuelles:
ProSN Æ V / — V
V Æ ProSN / V —
on pourra procéder de façon indirecte à une inversion de constituants et obtenir la structure interrogative suivante:
Mais ce dernier indicateur syntagmatique contient des informations qui n'ont pas de sens au point de vue linguistique et font, comme le dit Nicolas Ruwet, "violence à l'intuition linguistique la plus élémentaire" (Ruwet, 968, 129); car les règles qui permettent de réécrire ProSN par V devant un V et de récrire V par ProSN après V reviennent à dire que le verbe habites est un ProSN et le ProSN tu un verbe, ce qui est aussi faux qu'aberrant.
(cf. "Structuralisme et générativisme", p. 8 sqq)
II. LES INSUFFISANCES LINGUISTIQUES
DE
LA GRAMMAIRE DITE SYNTAGMATIQUE.
L'école de Noam Chomsky pense que la
grammaire syntagmatique, aussi appelée "le modèle taxinomique", est
le modèle qui formalise l'analyse en constituants immédiats. C'est ainsi que
Paul Postal s'est efforcé de montrer que "les différents modèles de
description syntaxique des langues naturelles" "développés aux USA
depuis la seconde guerre", c'est-à-dire notamment le distributionnalisme
de Zellig Harris et "l'approche traditionnelle des constituants immédiats,
plus particulièrement en relation avec Bloch, Wells et Hockett" sont "dans
une certaine mesure des versions de la théorie des grammaires syntagmatiques au
sens de Chomsky" (phrase structure grammars) (Paul Postal, 1964, Constituent
Structure: A Study of Contemporary Models of Syntactic Description, in: International
Journal of American Linguistics, 30.1, p. V). Cf. Chomsky, 1964, "Current Issues in
Linguistic Theory", in: Fodor-Katz, The structure of language,
52-53; 1956, "Three models for the description of language").
Avant d'entreprendre la description systématique des langues selon ce modèle, Noam Chomsky a cherché à savoir si ce modèle général est susceptible de rendre compte des propriétés fondamentales du langage. Il a alors tout de suite relevé un certain nombre d'insuffisances essentielles qui le disqualifient donc en tant que modèle utile des langues naturelles.
1. LES CRITIQUES FAITES AU MODÈLE
SYNTAGMATIQUE:
a. LES RELATIONS ENTRE PHRASES:
b. LA STRUCTURE DES CONSTRUCTIONS AVEC COORDINATION:
c. LE PROBLÈME DE LA DISCONTINUITÉ:
. CONSTRUCTIONS DONT LES CONSTITUANTS NE SONT PAS CONTIGUS:
. MORPHÈMES A SIGNIFIANT DISCONTINU:
2. PERTINENCE SYNTAXIQUE DE CES CRITIQUES? Essayons d'apprécier la portée linguistique exacte de ces critiques du modèle dit syntagmatique.
a. LE PROBLÈME DE LA DISCONTINUITÉ est, avons-nous vu, au moins double. Lorsqu'il s'agit de la discontinuité du signifiant d'un morphème, comme la négation en français écrit qui a un signifiant en deux morceaux, à savoir ne et pas, qui peuvent être contigus, lorsque le verbe est à l'infinitif:
Il est impossible de ne pas venir, de ne pas avoir
vu, etc.
mais qui en dehors de ces cas ne se suivent pas dans la chaîne syntagmatique:
Tu ne vois pas, Tu n'as pas vu, N'as-tu pas vu, Tu
n'as pas été vu, etc.
Mais il est clair qu'il ne s'agit pas d'un problème de syntaxe, une fois que l'on a admis que les morphèmes (et les synthèmes), c'est-à-dire les unités significatives minimales, étaient les unités de base de l'analyse syntaxique. Il s'agit en réalité d'un problème de morphologie, c'est-à-dire d'un problème qui concerne le rapport entre le signifiant et le signifié des morphèmes, et donc qui n'a rien à voir avec la syntaxe.
Le problème de la discontinuité des constituants d'une construction est différent et plus délicat. Et si les manuels de linguistique qui utilisent l'analyse en C.I. parlent dans leur chapitre de morphologie des morphèmes à signifiant discontinu --Gleason traite par exemple cette question dans un chapitre intitulé "Identification des morphèmes" (cf. Gleason, 1969, 60-61)--, ils doivent bien parler dans le chapitre consacré à l'analyse en constituants immédiats de ce qu'ils appellent alors les "constituants discontinus" des constructions. Ainsi dans le chapitre intitulé "Constituants immédiats", Gleason apporte la précision suivante: "Dans tous les exemples donnés jusqu'à maintenant, les C.I. ont été continus; c'est le cas le plus fréquent, mais non universel. En anglais on trouve des constituants discontinus; un exemple courant se trouve dans nombre d'interrogations:
Did the man come?
se divise visiblement en did...come the man; un autre exemple, dont le statut est moins clair, se présente dans des phrases comme
It is good to be home
là, les C.I. semblent être it...to be home is good" (Gleason,
1969, 115).
Hockett tient le même langage: "Nos exemples jusqu'à présent avaient une autre propriété qui est courante mais non universelle: les formes qui constituaient ensemble les C.I. d'une forme plus large étaient contiguës dans l'ordre linéaire. Mais les constituants discontinus ne sont pas du tout exceptionnels. Par exemple, dans la phrase anglaise:
Is john going with you?
si l'on met de côté l'intonation, l'un
des C.I. est John, et l'autre la suite discontinue Is...going with
you" (d'après Hockett, 1969, 154). Et Hockett propose deux moyens graphiques
(John) |
I- |
s |
() |
go- |
ing |
with |
you |
? |
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de traiter ce problème (cf. Hockett, 1969, 155). Dans la première "boite", "la forme John est mise au début pour rendre le diagramme plus aisé, mais entre parenthèses pour indiquer qu'elle n'est pas réellement prononcée à cette place; les parenthèses vides indiquent la place qu'elle occupe réellement dans la chaîne". L'autre figure "évite la répétition, mais tire un trait épais sous l'entrée John et marque avec une flèche en pointillés la relation entre John et la forme plus large dont il est un des C.I." (d'après Hockett, 1969, 154).
Il est certain que le modèle syntagmatique, dans la mesure où il s'interdit, pour des raisons linguistiques tout-à-fait pertinentes, les permutations que permet la grammaire contextuelle ne peut pas rendre compte de l'éventuelle discontinuïté dans la chaîne des constituants d'une même construction, et manifeste ainsi une insuffisance caractéristique au point de vue de la capacité générative forte. Mais cette critique n'atteint nullement la théorie linguistique de ceux qui pratiquent l'analyse en C.I., ce que Postal a expressément reconnu. Lorsqu'il examine le système de C.I. de Wells, il dit en effet: "Comme Bloch, il admet les constituants discontinus et, dans cette mesure, son système sort donc du cadre de la grammaire syntagmatique" (d'après Postal, 1964, 22). Et il dira même d'une façon générale, à propos des différentes conceptions américaines modernes de la structure syntaxique, que "mis à part un manque de clarté dans la formulation, le principal fait qui les empêche d'être strictement équivalentes à la grammaire syntagmatique est la reconnaissance de constituants discontinus" (d'après Postal, 1964, 67).
Une fois reconnue que la possibilité pour les constituants d'une construction d'être non contigus n'invalide pas l'analyse linguistique en C.I., on peut se demander si c'est une critique aussi décisive qu'on veut bien le dire contre le modèle syntagmatique lui-même. Car on peut imaginer une grammaire formelle qui ait toutes les propriétés de la grammaire syntagmatique et qui, en plus, soit capable de générer des constructions dont les constituants ne sont pas contigus. Victor Yngve a fait une proposition dans ce sens: "une solution possible pour faire entrer une construction avec constituants discontinus dans le moule des constituants continus consiste à permettre dans la grammaire l'usage de règles de la forme
A = B + ... + C
et à modifier le mécanisme et son programme de telle façon que toutes les fois que le registre de calcul et l'accumulateur temporaire contiennent par exemple | A | Q R S T <c'est-à-dire A dans le registre de calcul et la suite Q R S T dans l'accumulateur temporaire> et que la règle A = B + ... + C est apliquée, le résultat est | B | Q C R S T <c'est-à-dire B dans le registre de calcul et la suite Q C R S T dans l'accumulateur temporaire>" (Yngve, 1960, 448).
Postal n'a pas examiné cette proposition, et l'a éliminée en se contentant de dire: "Yngve n'a pas présenté un algorithme d'affectation de structure qui assure qu'étant donné des dérivations utilisant de telles règles, il est possible de déterminer que la relation «est un» ou ses équivalents vaut entre les ensembles convenables d'éléments et pas d'autres" (Postal, 1964, 69). Ce rejet est peut-être un peu rapide; car il ne semble pas très difficile de définir une grammaire formelle que l'on pourrait appeler "grammaire discontinue", qui mettrait en oeuvre des règles de formation contextuelles du type:
X A Y Æ X B
Y C
où dans le contexte formé par les suites X — Y, A est remplacé par B devant Y et par C après Y. Et au point de vue de la décomposition en C.I. une telle règle aurait la même signification que la règle d'une grammaire contextuelle:
A Æ B C
/ X — Y
et signifierait effectivement que A a deux C.I., à savoir B et C, la différence venant simplement de ce que dans la grammaire discontinue ces deux C.I. ne sont pas contigus, puisqu'ils sont syntagmatiquement séparés par la suite Y. On voit même que la grammaire dite contextuelle ne serait qu'un cas particulier de la grammaire discontinue, à savoir celui où l'élément C est nul. On peut donc dire que cette grammaire discontinue est vraiment une grammaire syntagmatique discontinue.
Ainsi on rendrait compte de la proposition que contient le dernier vers de la 1ère églogue de Virgile à l'aide d'une règle
N X Æ Adj X N
où X serait un SV, ajoutée aux règles:
P Æ SN
SV
SN Æ
(Det) N
Cela donnerait effectivement
maiores cadunt altis de montibus umbrae.
Pour rendre compte de la coordination enclitique, il faudrait admettre une règle terminale du type:
Coord X Æ X -que
à condition que X soit un seul mot ce qui donnerait:
maiores-que
cadunt altis de montibus umbrae.
Et il faudrait admettre qu'il en est de même pour tous les morphèmes comme ceux qui contiennent dans leur signifiant une préposition pour générer les syntagme
altis de
montibus.
Mais il n'est peut-être pas utile de recourir à une telle grammaire discontinue. Il conviendrait peut-être plutôt de commencer par se poser la question de théorie linguistique de savoir si ces problèmes de discontinuïté dans la chaîne des constituants d'une construction sont bien des problèmes de syntaxe. Quand on travaille sur l'anglais ou le français où l'ordre dans la chaîne des constituants semble souvent manifester leur fonction syntaxique on est tenté d'admettre implicitement que cet ordre final relève bien de la syntaxe et l'on voit dans le terme syntagmatique une sorte de synonyme plus moderne du terme traditionnel de syntaxique. Mais les linguistes qui travaillent sur des langues où l'ordre des constituants est plus souple, voire libre, ont une attitude plus prudente. Ils sont amenés à penser que les modifications d'ordre des constituants peuvent fort bien ne rien changer à leur fonction syntaxique et donc à leur analyse en C.I.. C'est ainsi qu'à l'occasion du latin le grammairien de l'Encyclopédie, Dumarsais a osé dire, en donnant au mot construction le sens d'"arrangement des mots dans le discours", qui est évidemment très différent de celui qu'il a dans l'analyse en C.I.:
Je crois qu'on ne doit pas confondre construction
avec syntaxe. Construction ne présente que l'idée de combinaison et
d'arrangement. Cicéron a dit, selon trois combinaisons différentes, accepi
litteras tuas, tuas accepi litteras, et litteras accepi tuas:
il y a là trois constructions, puisqu'il y a trois différents
arrangements de mots; cependant, il n'y a qu'une syntaxe, car dans chacune de
ces constructions, il y a les mêmes signes des rapports que les mots ont
entre eux; ainsi ces rapports sont les mêmes dans chacune de ces phrases.
Chaque mot de l'une indique également le même correlatif qui est indiqué dans
chacune des deux autres en sorte qu'après qu'on a achevé de lire ou d'entendre
quelqu'une de ces trois propositions, l'esprit voit également que litteras
est le déterminant d'accepi que tuas est l'adjectif de litteras;
ainsi chacun de ces trois arrangements excite, dans l'esprit, le même sens, j'ai
reçu votre lettre. Or, ce qui fait en chaque langue que les mots excitent
le sens que l'on veut faire naître dans l'esprit de ceux qui savent la langue,
c'est ce qu'on appelle syntaxe. (César Chesneau Du Marsais, Les
véritables principes de la grammaire, Paris, Fayard, 410).
Aucun latiniste ne contredirait cette observation fort pertinente de Dumarsais. Mais, au point de vue général, cela veut dire qu'il ne faut pas forcément assimiler l'ordre des constituants dans la chaîne avec leur rôle syntaxique respectif ni avec les relations syntaxiques qu'ils peuvent entretenir entre eux. Bref les relations de contiguïté dans la chaîne sont d'un autre ordre que les relations syntaxiques entre les constituants.
Tesnière a peut-être été le premier et le seul des linguistes modernes à soutenir explicitement une théorie linguistique qui se refusait à confondre ces deux ordres de phénomènes, qu'il appelait respectivement "l'ordre linéaire" et "l'ordre structural". "Nous appel<ons>, dit-il en effet, ordre linéaire celui d'après lequel les mots viennent se ranger sur la chaîne parlée. L'ordre linéaire est, comme la chaîne parlée, à une dimension, <qui> est à sens unique" (Tesnière, 1966, 18). Par contre, "l'ordre structural des mots est celui selon lequel s'établissent les connexions" (Tesnière 1966, 16), c'est-à-dire les relations qui organisent et unissent les mots, pour "form<er> la charpente de la phrase", qui, de ce fait, "est un ensemble organisé" (Tesnière, 1966, 11). Tesnière a même dit, de façon probablement exagérée, que "toute la syntaxe structurale repose sur les rapports qui existent entre l'ordre structural et l'ordre linéaire" (Tesnière, 1966, 9), mais en précisant très justement "que parler une langue, c'est transformer l'ordre structural en ordre linéaire, et inversement que comprendre une langue, c'est en transformer l'ordre linéaire en ordre structural" (Tesnière, 1966, 19). On voit ainsi l'importance de ces deux ordres de phénomènes.
Pour ma part, j'appelle "ordre linéaire ou syntagmatique" les relations de succession linéaire que les morphèmes ont entre eux dans la chaîne parlée. Et ce faisant je vais dans le sens des linguistes modernes qui parlent de "rapport syntagmatique", c'est-à-dire de "rapport existant entre deux ou plusieurs unités qui apparaissent effectivement dans la chaîne parlée" (Dubois, 197, 164); car la notion de rapport syntagmatique suppose effectivement la co-présence sur l'axe horizontal de la chaîne parlée. Et j'appelle "ordre structural ou syntaxique", celui qui, à mon avis, relève vraiment de l'analyse syntaxique.
On voit, pour conclure sur le thème de la discontinuïté syntagmatique, que celle-ci n'est nullement une raison pour invalider l'analyse syntaxique en C.I., si le syntagmatique doit bien être distingué du syntaxique. Peut-être même faudrait-il reprocher aux linguistes qui se sont intéressés à l'analyse en C.I. d'avoir eux-mêmes tendu des verges pour se faire battre en soulevant dans le chapitre de l'analyse en C.I. le problème des constructions dont les constituants ne sont pas contigus dans la chaîne. Car en procédant de la sorte, ils amenaient forcément des linguistes moins avertis à penser que l'analyse en C.I. était plus qu'une analyse syntaxique des énoncés; et ils facilitaient aussi peut-être la confusion entre la syntaxe et la morphologie, si l'on peut dire que l'ordre syntagmatique relève d'une certaine façon de la morphologie, étant une mise en forme de l'ordre syntaxique.
b. LE PROBLÈME DE LA COORDINATION: Il ne fait aucun doute que le modèle syntagmatique ne peut pas rendre compte de façon linguistiquement satisfaisante de la coordination. Mais cela ne saurait être utilisé comme une critique de l'analyse en C.I.; ce n'est qu'une raison de plus pour dire que le modèle syntagmatique n'est pas une formalisation de l'analyse en C.I.
La grammaire syntagmatique ne peut pas situer plus de deux constituants coordonnés au même niveau de profondeur structurale, si elle ne dispose, pour coordonner des SN que de la règle:
SN Æ SN
(et ) SN
Mais jamais les promoteurs de l'analyse en C.I. n'ont jamais prétendu que la coordination ne se faisait que par paires de constituants. La terminologie même de Bloomfield suggère l'idée contraire. Elle oppose en effet les constructions endocentriques "coordinatives (ou sérielles)" aux constructions endocentriques "subordinatives (ou qualificatives)" (Blommfield, 1970, 184). "Dans les constructions endocentriques subord<inatives>, explique Bloomfield, le syntagme résultant appartient à la même classe formelle que l'un de ses constituants" immédiats, comme dans:
fresh milk «du lait frais», very fresh mil «du lait
très frais»
alors que, dans la construction endocentrique sérielle, il "appartient à la même classe formelle que deux ou plus de deux de ses constituants" immédiats (Bloomfield, 1970, 184), les constituants identiques étant les "membres de la coordination", et le ou les constituants différents étant un "coordinateur", d'où la dénomination de "construction sérielle". Cela veut donc dire que dans la coordination sans coordinateur de
books, papers, pens, pencils, blotters were all
lying «livres, papiers, stylos, crayons, buvards étaient tous étalés» (cf.
Bloomfield, 1970, 184)
la construction nominale sérielle ou coordinative contient cinq noms qui, appartenant chacun à la même catégorie nominale que la construction, se trouvent tous au même niveau structural. Par conséquent la structuration superflue que la grammaire syntagmatique attribue obligatoirement à toute coordination de plus de deux membres est bien une insuffisance de ladite grammaire, mais nullement de l'analyse en C.I.
Cette insuffisance vient d'ailleurs du principe constitutif même de cette grammaire, à savoir qu'il doit y avoir un nombre fini de règles. Mais si l'on comprend assez bien la raison empirique de cette contrainte, rien ne prouve que cette contrainte soit légitime au point de vue linguistique, d'autant qu'il semble parfaitement possible de contourner la difficulté que représenterait un nombre infini de règle de coordination telles que:
SN Æ SN et SN; SN Æ SN SN et SN; SN Æ SN SN SN et
SN; SN Æ SN SN SN SN et SN; etc.
On pourrait en effet envisager, comme le rappelle Simon Dik (1968, 95 et 109-112), d'utiliser des règles générales de la forme suivante:
SN Æ SNn et SN (n >=1)
règles que Noam Chomsky appela des schémas de règle (rule-schemata ), parce qu'il s'agit d'une sorte d'extension de la notion de règle syntagmatique (cf. Chomsky & Miller, 1968, 34). Cela veut dire que si n = 4, le schéma de règle engendrera une suite:
SN SN SN SN et SN
qui correspondra à la structure plate que souhaite le linguiste:
Noam Chomsky écarte cette solution en ce qui concerne la description structurale de la coordination, en prétextant que "pour chaque type particulier de difficulté qui se rencontre dans une grammaire de constituants, on peut imaginer un palliatif particulier (ad hoc) quelconque qui permet de la tourner", mais qu'"il serait bien préférable, évidemment, d'opérer une révision conceptuelle qu'on pourrait tenir pour réussie si elle parvenait à éviter tout l'ensemble des difficultés d'une manière uniforme" (Chomsky & Miller, 1968, 34). En réalité, les schémas de règle sont intéressants; car ils permettent de donner une description structurale correcte de la coordination, tout en restant dans un cadre théorique identique à celui de la grammaire syntagmatique. Les schémas de règle ne sont en effet qu'un moyen formel de donner une formulation finie à une série virtuellement infinie de règles syntagmatiques. Ce moyen fait certes sortir du cadre d'une grammaire syntagmatique, mais il en conserve, si l'on peut dire, l'esprit.
Il n'en reste pas moins que la grammaire syntagmatique proprement dite ne peut pas attribuer aux structures avec coordination une bonne analyse en C.I., ce qui veut dire que si la grammaire syntagmatique formalise certaines des descriptions structurales de l'analyse en C.I., elle ne formalise pas toute l'analyse en C.I..
c. LES RELATIONS ENTRE PHRASES: Il importe de commencer par souligner les ambiguïtés de la notion de relation, qui désigne des réalités linguistiques fort différentes. Il s'agit effectivement de relations syntaxiques, quand Nicolas Ruwet nous dit par exemple qu'"une grammaire syntagmatique peut facilement décrire non seulement les constituants et les catégories, mais aussi les relations entre les éléments, et leur fonction dans la phrase" (Ruwet, 1968, 147) et que notamment elle est parfaitement susceptible d'indiquer les relations qui existent entre la gendarmerie et la circulation dans chacune des deux phrases:
La gendarmerie a dévié la circulation
La circulation a été déviée par la gendarmerie
où, dans la première des deux phrases, la gendarmerie est sujet du prédicat a dévié la circulation, et la circulation complément d'objet du verbe a dévié, et, dans la seconde, c'est la circulation qui est sujet du prédicat a été déviée par la gendarmerie, et par la gendarmerie qui est le complément (non pas d'objet, mais d'agent) du verbe a été déviée.
Mais quand on nous dit que la grammaire syntagmatique ne peut pas rendre compte du fait que la relation entre ces deux SN est la même dans les deux phrases, il ne s'agit plus alors d'une relation syntaxique, mais d'une relation qui est sémantique et référentielle. C'est au niveau de la réalité extralinguistique qu'il y a identité de relation entre la gendarmerie et la circulation; mais cela n'a rien à voir avec l'analyse syntaxique de ces deux phrases.
Quand par ailleurs on nous signale que la grammaire syntagmatique ne peut pas représenter formellement, à l'intérieur de phrases complexes, "des relations qui sont pourtant fondamentalement de même nature que celles qui se rencontrent dans les phrases simples" (Ruwet, 1968, 148), et que par exemple elle ne peut pas montrer que dans:
Pierre a conseillé à Jean de consulter un spécialiste
"Jean est le sujet de consulter " (Ruwet, 1968, 149), alors que dans:
Pierre a promis à Jean de consulter un spécialiste
c'est Pierre qui est sujet de consulter, il ne s'agit pas non plus de relations syntaxiques, mais de relations sémantiques. Ce n'est qu'au niveau du sens global de l'énoncé et de son interprétation sémantique que la personne désignée dans cet énoncé par le morphème Jean (ou Pierre ) joue le rôle d'auteur de l'action exprimer par le verbe à l'infinitif et donc de consultant que jouerait le sujet Jean (ou Pierre) de la phrase Jean consulte un spécialiste (ou Pierre consulte un spécialiste ). Mais le morphème Jean (ou Pierre ) de l'énoncé n'est pas lui-même un sujet. On lui reconnaît traditionnellement la seule fonction de complément d'attribution, ou, si l'on veut, de second complément du verbe a conseillé (ou a promis ). Certes la grammaire scolaire admettrait sûrement aussi, en répondant à la question Qu'est-ce qui consulte?, que Jean (ou Pierre ) est le sujet de l'infinitif consulter. Mais elle préciserait qu'il s'agit d'un autre Jean (ou Pierre ) que celui que contient l'énoncé; car elle dirait que le sujet du verbe à l'infinitif est en réalité sous-entendu.
d. conclusion: Les critiques faites par les chomskyens du modèle syntagmatique invalident-elles l'analyse en C.I. Assurément, si l'on considère abusivement que l'analyse en C.I. est un modèle de la description du langage; en aucune façon, si l'on voit dans l'analyse en C.I. une modèle d'une partie de l'analyse linguistique, à savoir l'analyse syntaxique. Dans la mesure où les critiques du modèle syntagmatique signalent les limites dans le domaine de la morphologie ou de la sémantique de ce modèle, elles ne concernent nullement l'analyse en C.I., qui n'est qu'une analyse syntaxique. Toutes ces critiques montrent donc qu'en plus de l'analyse syntaxique, il faut faire l'analyse morphologique et l'analyse sémantique des langues que l'on décrit, ce que ne contestera aucun des linguistes qui ont utilisé l'analyse en C.I., puisque des manuels comme ceux de Hockett ou de Gleason ne se réduisent pas à leur chapitre sur l'analyse en C.I., mais ajoutent à ce chapitre au moins un chapitre de phonologie, un chapitre de morphologie et un chapitre de sémantique.
Quand par contre, les critiques du modèle syntagmatique montrent que cette grammaire n'est pas capable de rendre compte de la bonne analyse syntaxique du phénomène de coordination, elles ne relèvent nullement une limite de l'analyse en C.I., mais elles montrent seulement que la grammaire syntagmatique n'est pas capable de rendre compte de l'analyse en C.I. d'une structure coordinative. Il s'agit donc d'une lacune de la grammaire syntagmatique, et non pas d'une faiblesse de l'analyse en C.I., puisque la grammaire syntagmatique n'est pas capable de simuler la structure syntaxique que les tenants de l'analyse en C.I. reconnaissent aux syntagmes avec coordination. On peut donc dire d'une part qu'aucune des critiques faites par les chomskyens n'invalide la pertinence syntaxique de l'analyse en C.I., et que d'autre part les chomskyens considèrent abusivement l'analyse syntaxique qu'est et que veut être l'analyse en C.I. comme une analyse de toute la langue, mais ne font aucune critique proprement syntaxique de son pouvoir explicatif des phénomènes syntaxiques. Donc leurs critiques loin de condamner l'analyse en C.I. reposent finalement sur une mécompréhension complète de ce qu'est proprement l'analyse en C.I.
D'ailleurs implicitement les différentes théories formelles proposées par Noam Chomsky reconnaissent une certaine pertinence syntaxique à la grammaire syntagmatique et par conséquent à l'analyse en C.I.. Car, loin de proposer quelque chose de radicalement différent du modèle en constituants, elles se contentent d'enrichir la grammaire syntagmatique, en ajoutant à un composant syntagmatique un second composant plus riche, qu'elles appellent le composant transformationnel. (cf. p. 20 de "Structuralisme et générativisme")
III. FORMALISATION DE L'ANALYSE EN
C.I.?
Quelle est exactement l'interprétation linguistique que l'on peut faire de la grammaire syntagmatique?
Elle semble contenir une analyse
syntaxique, puisqu'elle engendre une phrase en lui assignant un indicateur
syntagmatique, lequel correspond à une organisation en C.I., mais ajoute à
cette décomposition en C.I. une dénomination pour chaque constituant. Une telle
dénomination des constituants n'est pas ordinairement pratiquée par les
linguistes qui, comme Hockett, Wells ou Gleason, ont défini des méthodes
d'analyse en C.I.. Mais elle complète heureusement l'analyse en C.I. proprement
dite, dans la mesure où elle oblige à faire une théorie de ces constituants et
donc à définir la nature de ces constituants. Cela explique que certains
tenants de l'analyse en C.I. comme Bloch et Harris (cf. Ruwet, 1968, 110) aient
proposé de représenter les structures de constituants obtenues par des boites
de Hockett améliorées, où chaque case de la boite était pourvue d'une étiquette
catégorielle.
1. LES DEUX SORTES DE RÈGLES: Il est clair que la grammaire syntagmatique utilise deux sortes différentes de règles, qu'il est parfaitement possible de définir formellement. Il y a d'abord ce qu'on peut appeler des règles terminales, qui ont la particularité formelle d'avoir un et un seul mot du vocabulaire terminal à droite de leur flèche. Les autres règles n'ont à droite comme à gauche de leur flèche que des mots du vocabulaire auxiliaire. Et comme ces mots sont en fait des étiquettes qui correspondent au nom que les grammaires donneraient au constituant syntaxique que représente ce mot du vocabulaire auxiliaire, bref à ce qu'on considère comme une catégorie syntaxique, on peut qualifier ce second type de règle que met en oeuvre la grammaire syntagmatique de règles catégorielles.
2. LES RÈGLES TERMINALES ne veulent manifestement rien dire en termes d'analyse en C.I. et n'ont même aucune interprétation syntaxique. Elles signifient seulement qu'une catégorie syntaxique donnée est représentée dans la phrase analysée par tel morphème particulier. Le morphème qui est à droite de la flèche d'une règle terminale appartient donc à la classe syntaxique que désigne le mot du vocabulaire auxiliaire qui est à gauche de la flèche et que la règle en question réécrit.
Dans une boite de Hockett ordinaire, ces règles terminales ne correspondent à rien, puisque chaque case d'une boite de Hockett contient non une dénomination catégorielle, mais le ou les morphèmes du constituant auquel correspond ladite case, ce qui veut dire que non seulement les règles terminales, mais aussi les règles catégorielles ne correspondent à rien dans une boite de Hockett.
Par contre dans la boite de Hockett améliorée, qui, elle, contient des dénominations catégorielles, ou dans l'arbre, les règles terminales correspondent à quelque chose de précis: c'est la première ligne de la boite de Hockett ou la dernière ligne de l'arbre. Mais il faut bien préciser que ces deux lignes en question ne représentent nullement l'analyse en C.I. d'une autre ligne horizontale du système graphique concerné. Les linguistes qui utilisent les arbres comme moyen de représentation graphique en ont plus moins conscience, même s'ils ne le disent pas expressément. Ils distinguent empiriquement les règles terminales des autres règles syntagmatiques, en représentant les règles catégorielles par des embranchements, c'est-à-dire par des traits continus, et les règles qui correspondent au remplacement des catégories syntaxiques minimales par un morphème ou un mot par des traits en pointillé.
Il importe donc de théoriser cette pratique, pour que la grammaire syntagmatique ait une interprétation linguistique vraiment satisfaisante. Ceci veut dire qu'il faut ajouter une restriction aux règles de formation de la gammaire syntagmatique XAY Æ XZY. Celles-ci sont traditionnellement précisées par les trois restrictions suivantes:
A = 1, A <> Z
et Z<>0
Il convient de restreindre cette dernière formule, pour tenir compte de la spécificité des règles terminales, et de la remplacer par les deux restrictions suivantes:
Z > 0 si Z VA,
et Z = 1 si Z VT
On pourrait objecter que cette nouvelle grammaire complique inutilement les choses avec ses restrictions supplémentaires, alors que tout ce qu'elle va engendrer pourrait fort bien être engendré par une grammaire syntagmatique ordinaire. Mais cette grammaire syntagmatique peut faire des choses qui n'ont aucun sens en termes d'analyse en C.I.. Il importe donc de ne pas admettre des assimilations ou des simplifications abusives, sous prétexte de formalisation.
La grammaire syntagmatique permet d'utiliser des règles qui seraient partiellement terminales et partiellement catégorielles, c'est-à-dire des règles qui contiendraient à droite de leur flèche et des catégories du vocabulaire auxiliaire et une ou plusieurs catégories du vocabulaire terminal. Pour la description des langues ces règles ne sont pratiquement pas utilisées, sauf si, au lieu d'uliser une grammaire syntagmatique on emploie une grammaire dite de Kleene. Pour la clarté de l'interprétation linguistique des règles, il est préférable d'interdire en théorie et non plus seulement en pratique ces règles hybrides, ce qui permettra d'appeler aussi règles de lexicalisation lesdites règles terminales.
(voir l'usage qui est fait ailleurs du terme "règle de lexicalisation")
3. LES RÈGLES CATÉGORIELLES sont elles aussi apparemment de deux sortes différentes, en ce sens qu'au point de vue linguistique elles ont deux interprétations différentes. Il est clair que des règles comme:
SPrép Æ
Adv, SN Æ ProSN
où l'on a, à gauche et à droite de la flèche, un seul mot du vocabulaire auxiliaire ne peuvent pas être interprétées en termes de C.I., parce qu'elles introduiraient une incohérence dans les concepts mêmes de l'analyse en C.I.. Cela n'aurait pas de sens de dire que la construction étiquetée SPrép a un seul constituant immédiat, à savoir le constituant étiqueté Adv, qui est en fait un constituant minimal, puisqu'il est réécrit par un mot du vocabulaire terminal. Alors que par définition, la construction est une combinaison de constituants, une telle règle signifierait qu'une construction peut ne pas être une combinaison de constituants, et même qu'une construction est un constituant minimal. La construction devrait alors être définie comme une combinaison d'un ou de plusieurs constituants, ou comme une suite de constituants, la suite pouvant n'être formé que d'un seul constituant. Cela ruinerait complètement le concept de construction, et n'a donc même pas été envisagé par les linguistes qui ont pratiqué l'analyse en C.I.
Cela veut donc dire que parmi les règles catégorielles, il y a des règles qui n'ont qu'un seul mot du vocabulaire auxiliaire à droite de leur flèche et ne correspondent à rien en termes de constiuants immédiats, et des règles qui ont plus d'un mot du vocabulaire auxiliaire à droite de leur flèche et qui, elles, peuvent très bien s'interpréter en termes de décomposition en C.I.. Elles veulent dire en effet que le seul mot qui est à gauche de la flèche est une construction, puisqu'il est remplaçable par les deux ou plus de deux mots qui sont à droite de la flèche, lesquels mots représentent eux-mêmes, suivant les cas, des constructions ou des constituants minimaux. On pourrait appeler règles de sous-catégorisation les règles catégorielles qui ne sont pas des règles de décomposition en C.I.; car ces règles peuvent s'interpréter linguistiquement comme des règles qui formalisent le fait fonctionnel qu'un ProSN appartient au paradigme du SN, ou qu'un Adv représente la même classe syntaxique qu'un SPrép. Ces constituants en effet commutent entre eux, deux par deux: un pronom commute avec un SN, de même qu'un adverbe commute avec un SPrép.
4. GRAMMAIRE PARADIGMATIQUE? L'identification des règles de sous-catégorisation amène à se demander si la grammaire syntagmatique a bien pour but premier de formaliser l'analyse en constituants immédiats ou si elle n'y parvient pas qu'indirectement, et pour ainsi dire qu'accessoirement. De fait, si l'on ne distingue pas parmi les règles catégorielles ce que nous avons appelé des règles de décomposition en C.I. et des règles de sous-catégorisation, et si l'on cherche à donner une interprétation linguistique unitaire aux règles qui ne sont pas terminales, on n'a que la possibilité de dire que la flèche dans XAY Æ XZY indique une relation paradigmatique entre Z et A. Il faut en effet admettre que cette règle signifie Z fonctionne comme A, qu'il apparaît dans le même contexte que A et que par conséquent il appartient à la même classe paradigmatique, au même paradigme que A. Telle est la seule signification linguistique commune que l'on peut donner aux deux règles:
SN Æ Dét
N et SN Æ ProSN
ou
SAdv Æ Adv
et SAdv Æ Prép SN
Mais alors il est évident que de cette relation paradigmatique entre Z et A, il découle nécessairement une relation syntagmatique entre les constituants de Z, si Z contient plusieurs catégories. Cette relation syntagmatique est forcément la relation qu'il peut y avoir entre C.I. d'une même construction. De fait, l'élément A puisqu'il est unique et qu'il est réécrit par un Z formé de plusieurs constituants, est forcément une construction; et puisqu'il est directement remplacé par la suite de constituants de Z, il a obligatoirement ces constituants de Z comme constituants immédiats. C'est donc uniquement parce que la partie droite Z de la règle contient plusieurs mots du vocabulaire auxiliaire qu'à l'information fondamentalement paradigmatique de la règle XAY Æ XZY s'ajoute une information d'ordre syntagmatique.
Il serait dans ces conditions plus juste de dire que la grammaire traditionnellement qualifiée de syntagmatique par les linguistes français qui suivent Noam Chomsky est en réalité une grammaire paradigmatique, puisqu'elle formalise avant tout et essentiellement l'appartenance des différents constituants de la phrase engendrée à des classes paradigmatiques hiérarchisées les unes par rapport aux autres. Certes la grammaire prétendument syntagmatique contient aussi une analyse en C.I., mais on ne peut pas dire qu'elle formalise directement l'analyse en C.I.
Pour que la grammaire syntagmatique soit plus qu'elle ne l'est en réalité une formalisation de l'analyse en C. I., il conviendrait au moins de distinguer explicitement les règles de sous-catégorisation des règles de décompostion en C.I., comme nous l'avons fait au niveau théorique, et de leur attribuer dans l'arbre une schématisation particulière qui manifesterait clairement ce qui est sous-catégorisation et ce qui est décomposition en C.I.. C'est ce que nous proposons, quand nous mettons sous un même noeud de l'arbre deux étiquettes séparées par deux points. Une étiquette complexe comme
SAdv: Adv
ou
SN: ProSN
veut dire alors que le constituant concerné est un Adv ou un ProSN, mais que cet Adv ou ce SN appartient au paradigme des SAdv ou des SN.
Il serait aussi possible de supprimer purement et simplement tout ce qui correspond aux règles de sous-catégorisation paradigmatique (cf. "IV. Formalisation ..." p. 8-9: pb de l'Adv et du ProSN)
IV. VERS UNE GRAMMAIRE DE
CONSTITUANTS qui soit la formalisation de l'analyse en C.I.:
1. Faut-il supprimer les règles de sous-catégorisation?
L'élégance et la belle simplicité des règles de sous-catégorisation n'est pas un argument pour un linguiste.
Par contre le fait que les règles de sous-catégorisation formalisent vraiment l'appartenance à une même classe paradigmatique devrait intéresser le linguiste, à condition de distinguer comme nous l'avons envisagé les règles de sous-catégorisation dus règles de décomposition en C.I. Rien n'oblige de faire un modèle syntaxique qui ne rende compte que des relations syntaxiques et non aussi des relations paradigmatiques, qui, nous l'avons vu, sont en fait indissociables des relations syntaxiques.
Mais se pose le problème de savoir si parler de ProSN, d'Adv ou V intransitif n'est pas une sorte de concession implicite et illégitime aux habitudes de la grammaire traditionnelle, qui, elle, s'intéressait avant tout aux parties du discours et non aux combinaisons de constituants, et a ainsi admis notamment deux sortes de parties du discours qu'elle a nommées respectivement pronom et adverbe.
Si l'on fonde la syntaxe non pas sur les mots, qui sont des unités syntagmatiques et non pas syntaxiques, mais sur les relations combinatoires ou constructionnelles entre les classes paradigmatiques, il faut dire qu'il n'y aucune différence de relation syntaxique avec le contexte et par conséquent peut-être aucune différence de nature catégorielle entre un morphème unique et une construction qui appartiennent au même paradigme. S'il en est ainsi, il convient peut-être de donner à ces deux constituants fonctionnellement équivalents la même appellation. C'est ce que fait une grammaire française écrite par un enseignant de mathématiques, qui considère que "le pronom est un syntagme nominal synthétique" (van Hout, 1973, 1,148), ainsi que le nom propre. Il veut dire par là que le pronom, ou comme le disent justement les chomskyens, le ProSN est un SN formé d'un seul constituant (en fait d'un seul morphème), et que ce qu'on appelle usuellement un SN est en fait un SN analytique, c'est-à-dire la même catégorie, mais formé de plusieurs morphèmes. Cette conception est parfaitement représentable dans une grammaire formelle: elle revient à dire que la catégorie étiquetée SN peut soit se trouver à gauche d'une règle catégorielle et être représentée par les deux C.I. que sont un Dét et un N soit se trouver à gauche d'une règle terminale et être représentée par un mot du vocabulaire terminal, c'est-à-dire par un morphème que la grammaire traditionnelle appelle un pronom, mais qui n'est qu'un SN à lui tout seul.
On en dirait de même du prétendu adverbe et du SAdv, mais en donnant l'étiquett de SAdv et non d'Adv au paradigme en question. Car si on lui donnait l'étiquette Adv, cela pourrait suggérer qu'il faut admettre l'existence de ce que Tesnière nommerait une translation, qui aurait transformer en adverbe le syntagme complexe, alors qu'il s'agit simplement de dire qu'il entre dans la même classe que le prétendu adverbe.
On en dirait aussi de même du prétendu verbe intransitif, qui n'appartient pas du tout au même paradigme que le verbe dit transitif, puisque c'est à lui tout seul un SV, alors que le verbe dit transitif n'est qu'un C.I. de SV. C'est donc au niveau morphologique et non au niveau syntaxique que les prétendus verbes transitifs et verbes intransitifs ont quelque chose en commun que sanctionne leur appellation traditionnelle de verbes. En fait il ne faudrait appeler V que le verbe dit transitif, le prétendu verbe intransitif étant, lui, un SV synthétique.
2. Faut-il avoir un seul axiome P?
Il n'y a pas de raisons, avons-nous vu, de postuler un autre type de construction maximale E (Enoncé) à côté de P pour toutes les phrases qui ne seraient pas verbales (cf. p. 4 de "Analyse d'une phrase française: Le contre-maître explique que...")
Mais convient-il d'étiqueter P, c'est-à-dire de considérer comme appartenant à une même catégorie spécifique, toutes les constructions maximales que l'on appelle traditionnellement des phrases? ou faut-il n'appeler P que les constructions maximales qui pourraient être des propositions? (cf. Saussure, 1967, 148 et 172, pour qui la phrase n'est pas une unité de la langue, mais de la parole). Si l'on admet ce point de vue, cela veut dire qu'à côté des axiomes P, il pourrait y avoir des axiomes comme SN,
1. Faut-il la discontinuïté? et faut-il l'ordre horizontal? Les deux questions sont liées. Si on veut engendrer l'ordre syntagmatique en même temps que l'ordre syntaxique, il faut nécessairement une grammaire discontinue.
Mais on pourrait envisager une sorte de composant comparable au composant transformationnel de Chomsky, qui serait exclusivement un composant syntagmatique, c'est-à-dire un composant qui mettrait dans le bon ordre syntagmatique les mots du vocabulaire terminal, mais en fonction notamment de leur position dans l'arbre, c'est-à-dire dans l'ordre structural. A ce moment-là, l'étage syntaxique de la grammaire serait efectivement une grammaire indépendante du contexte où seul serait pertinent la hiérarchie verticale. On aurait par conséquent des règles comparables aux règles dites de dominance immédiate de la "grammaire syntagmatique généralisée" de Gazdar, c'est-à-dire des règles qui "expriment la relation de dominance qui lie un syntagme et ses constituants immédiats (CI) indépendamment de l'ordre linéaire de ces derniers" (Miller-Torris, 1990, Formalismes syntaxiques pour le traitement automatique du langage naturel, 94), de la forme par exemple:
SV Æ V ,
SN
où "la virgule qui apparaît entre les CI indique qu'ils ne sont pas ordonnés" (Miller-Torris, 1990, Formalismes syntaxiques pour le traitement automatique du langage naturel, 94).
Dans l'étage syntagmatique, il y aurait, pour chaque construction, des règles de précédence linéaire qui affecterait un ordre aux constituants d'une même construction, c'est-à-dire aux constituants qui sont à droire d'une même règle de dominance immédiate, puis des règles d'enclave ou d'entrecroisement pour les constituants des CI d'une même construction. (cf. les figures linéaires de l'ordre des mots).
4. Il faut des schémas de règle parmi les règles catégorielles, pour rendre compte correctement des structures avec coordination.
schéma de
règle général concernant toutes les catégories dites majeures:
X --> (et ) X (et X)n (n>=1)
5. problème de l'amalgame: il ne concerne que les règles dites terminales, qui doivent réécrire deux mots du vocabulaire auxiliaire par un seul mot du vocabulaire terminal. Il s'agit donc d'un phénomène relevant de l'étage syntagmatique de la grammaire. (cf. p. 4 "Grammaire formelle susceptible d'engendrer les formes verbales du latin")
6. le problème du morphème à signifiant zéro:
7. problÈme du morphÈme a signifiant discontinu:
8. PROBLÈME DE LA FORME DE REMPLACEMENT:
Tous les phénomènes de l'étage syntagmatique, sauf
l'amalgame, ne pourraient-ils pas être décrits à l'aide d'une grammaire
discontinue qui, comme dans les grammaires contextuelles, n'interdise pas les
permutations.
V. LE VOCABULAIRE AUXILIAIRE (ou Les
catégories de l'analyse syntaxique)
1. les catégories minimales, c'est-à-dire préterminales de l'analyse syntaxique: Quelles sont les différentes classes de constituants syntaxiques minimaux? Ont-elles un rapport avec les fameuses "parties du discours" de la grammaire traditionnelle, qui, elles, correspondent aux différentes sortes de mot?
Remarquons que dans la pratique, les linguistes admettent implicitement que les étiquettes des différentes parties du discours valent aussi pour les classes de morphèmes.
a. DIFFÉRENCE ENTRE MOTS ET MORPHÈMES et définition du mot? (cf. Touratier, 1985, "Les unités minimales de l'analyse syntaxique", 454-462)
b. LES CATÉGORIES DITES MAJEURES: N, V et Adj, que dans les langues indo-européennes il est souvent possible de définir morphologiquement, mais qu'il convient de définir syntaxiquement ou fonctionnellement, si on entend vraiment en faire des catégories syntaxiques. (p. 463-465)
c. PROBLÈME DES CONJONCTIONS (de coordination et de subordination) et des PRÉPOSITIONS: (p. 466-470)
distinction entre morphèmes relationnels nominaux
(prépositions) et morphèmes relationnels propositionnels (conj. dee sub.)
distinction entre morphèmes relationnels et morphèmes
fonctionnels, ces derniers pouvant aussi être soit nominaux soit
propositionnels.
classe des conjonctions de coordination? apparemment
elles ont un fonctionnemment syntaxique propre, mais sont-elles vraiment
différentes des adevrbes?
problème des morphèmes fonctionnels, si les fonctions n'apparaissnt pas en tant que telles dans la strucutre syntaxique, mais correspondent seulement à des positions ou des configurations dans cette structure.
On pourrait imaginer une sorte d'opérateur,
comparable au K que la Case Grammar ajoute à chaque syntagme, par
exemple SNsuj, SNcverb,
SNépi, SNcirc, Adjépi, Adjapp, SVpréd,
etc., cet opérateur serait simplement une étiquette qui dénommerait la position
que le syntagme occupe dans l'arbre.
Est-ce identique à ce que propose la "grammaire
fonctionnelle" de Simon Dik?
où "ile = «expression linguistique indépendante» (independent linguistic expression), c = «catégorie», F = «fonction», u = «constituant ultime» (ultimate constituent)" (Dik, 1972, Coordination, 170)
D'où la représentation suivante de la fameuse phrase de Chomsky:
The man hit the ball
(Dik, 1972, Coordination, 173)
Ne peut-on pas reprocher en effet à un arbre qui
n'indiquerait pas les fonctions de transposer implicitement la particularité
des seules langues qui ne spécifient pas les fonctions par un morphème, mais le
font par la place syntagmatique?
d. L'ADVERBE: (p. 470-474)
classe fourre-tout: "il semble que l'on ait mis
dans les grammaire sous la rubrique «adverbe» tous les mots dont on ne savait
que faire" (Pottier, 1969, 53)
l'adverbe comme le morphème qui commute avec un
SPrép.
e. MODALITÉ, NOMBRE ET DÉTERMINANT: (p. 474-477)
f. CLASSE DES PRONOMS? (p. 477-478)
g. CLASSE DES INTERJECTIONS OU PROPHRASES?
2. les différentes sortes de constructions:
a. PROBLÈMES GÉNÉRAUX:
problème de la nature de ces constructions:
endocentrique et exocentrique
problème d'une éventuelle tête de syntagme (noyau de
syntagme) pour les constructions exocentriques
b. LISTES DES CONSTRUCTIONS:
SN, SV, SAdv, SAdj (ou mieux Adj?), SP et P
c. Faut-il distinguer dans le vocabulaire auxiliaire des catégories préterminales, c'est-à-dire des catégories particulières qui sont toujours à gauche des flèches et ne peuvent donc être réécrites que par un mot du vocabulaire terminal?
Il s'agirait de définir ainsi le sous-ensemble de mots auxiliaires préterminaux qui serait disjoint du reste du vocabulaire auxiliaire, et permettrait de distinguer les catégories qui terminent l'analyse syntaxique et font donc sortir de l'étage syntaxique de la grammaire? c'st-à-dire une sous-classe ?
Ceci aurait un grave inconvénient pour la théorie des
constructions endocentriques: problème de MN ou N, SAdj ou Adj, V et V
VI. LES FONCTIONS SYNTAXIQUES (ou
les constituants des différentes constructions)
L'analyse en C.I. permet de donner des définitions purement syntaxiques, c'est-à-dire constructionnelles des différentes fonctions syntaxiques. Chaque fonction se définira en termes de configuration structurale, et par conséquent en termes de configuration d'arbre, si la structure syntaxique est représentée graphiquement à l'aide d'arbre.
1. FONCTIONS CONSTITUTIVES DE LA PHRASE (DITE SIMPLE):
a. PHRASES A UN SEUL SYNTAGME, lequel n'a pas de fonction syntaxique, puuisqu'il n'est en relation avec rien.
Ce syntagme unique peut être un SN
Ce peut être aussi un SV sans ou avec morphème
personnel
b. PHRASES A DEUX SYNTAGMES:
si elle est endocentrique, il s'agit d'une phrase a
un seul syntagme qui a une expansion. L'expansion remplit une fonction que l'on
peut appeler extraposition
(Tesnière parlait d'éjection).
si elle est exocentrique, elle est formée d'un sujet et d'un prédicat.
Le prédicat peut être verbal ou nominal (c'est-à-dire
en fait non verbal). Mais le sujet peut aussi être nominal ou verbal. Il n'en
reste pas moins que le verbe a vocation à fonctionner comme prédicat, et le nom
comme sujet.
c. Phrases à trois syntagmes: Exp + SN + SV ou SN + + SN
2. FONCTIONS CONSTITUTIVES DU SV:
a. LES DEUX FONCTIONS DE COMPLÉMENT DE VERBE ET DE CIRCONSTANTS peuvent être distinguées au point de vue structural, et correspondent à une différence sémantique importante, les compléments de verbe étant des actants du verbe et ls circonstants n'étant pas exigés par la valence du verbe. Ceci rejoint la distinction faits par certaines grammaires entre constituants nominaux centraux et constituants périphériques du SV.
b. LA TRANSITIVITÉ ET LA VALENCE doivent être distinguées, ce qui permet de parler de la transitivation ou de l'intransitivation comme dds phénomènes purement syntaxiques sans incidence sur la valence du verbe, qui reste alors inchangée.
3. FONCTIONS CONSTITUTIVES DU SN:
a. LE DÉTERMINANT COMME C.I. DU SN EXOCENTRIQUE
b. LES EXPANSIONS DE N: fonction d'épithète quand il s'agit d'un adjectif, de complément de nom quand il s'agit d'un N, d'un SN ou d'un SAdv, de même quand il s'agit d'une relative dite explicative
c. EXPANSION DU SN: la fonction d'apposition
4. FONCTIONS CONSTITUTIVES DU SADJ:
a. COMPLÉMENTS D'ADJECTIF qui peuvent ou non être appelés par le sémantisme de l'adjectif: apte à, dépourvu de; grand, intelligent.
b. MODALITÉS D'ADJECTIF: comparatif, superlatif, adverbes de comparaison qui sont des xpansions d'adjectif
5. FONCTIONS CONSTITUTIVES DU SADV:
MODALITES DE SADV? presque sous ses yeux, tout près de lui, etc.
6. FONCTION D'INTERPOSITION?
On peut remarquer pour conclure d'une part que les fonctions syntaxiques ne sont pas si nombreuses que cela, et d'autre part que la grammaire traditionnelle les a assez bien identifiées toutes, si elle n'a pas toujours su les définir en termes proprement syntaxiques.
VII. PHRASE COMPLEXE
1. NOTION DE PROPOSITION:
2. LA COORDINATION comme fonction syntaxique particulière: Elle fait apparaître des constructions endocentriques particulières, c'est-à-dire des constructions dont tous les C.I. appartiennent au même paradigme que la construction elle-même.
3. LA SUBORDINATION: peut se définir comme une construction exocentrique qui, conteenant une proposition, pourra être appelée syntagme propositionnel.
On distinguera différentes classes de SP suivant le paradigme auquel ils appartiennent:
au paradigme du SN appartiennent les subordonnées
infinitives, complétives ou intrrogatives
au paradigme de l'adjectif appartiennent les
subordonnées relatives et les participes qui n'entrent pas dans ce qu'on
appelle traditionnellement une subordonnée participiale,
au paradigme de l'expansion d'adjectif les
subordonnées comparatives et consécutives, lesquelles peuvent aussi appartenir
au paradigme de l'expansion d'adverbe et du SAdv,
au paradigme du SAdv appartiennent les subordonnées
participiales, les incises, les subordonnées temporelles, causales,
conditionnelles, concssives et finales.
4. LA CORRÉLATION n'est pas un phénomène syntaxique original.
Chomsky, Noam, George A. Miller, 1968, L'analyse
formelle des langues naturelles, trad. de Ph. Richard et N. Ruwet, Paris,
Gauthier-Villars, 174p.
Dik, Simon C., 1972, Coordination,
Its implications for the theory of general linguistics, Amsterdam,
North-Holland, 318p.
Postal, Paul,
"Constituent Structure: A Study of Contemporary Models of Syntactic
Description", in: International Journal of American Linguistics,
30.1, 1-97.
Yngve, Victor H., 1960,
"A model and a hypothesis for language structure", in: Procedings
of the American Philosophical Society, 104.5, 444-466.