UNIVERSITÉ DE PROVENCE                                                       ANNÉE: 2002-2003

              Centre d'Aix

1ère SESSION   Normal           

                          Remplacement 

 

2ème SESSION   Normal          

                           Remplacement

 

Code du module: SCL 617

Intitulé: Analyse des langues N° 2

Enseignant: C. Touratier

Régime:                       Normal                                CTE               

Durée de l'épreuve: 3 heures / 2

Documents non autorisés

 

SÉMANTIQUE

 

1. Définissez et expliquez le sens particulier du verbe sortir dans les exemples suivants:

Nous n'en sortirons que par la puissance des baïonnettes (Mirabeau)

Nous sortons tous les soirs. Il sort avec elle depuis un an (Le Nouveau Petit Robert)

D'une des cheminées sortaient des étincelles (France)

Malheureuse, quel nom est sorti de ta bouche? (Racine)

Payer toutes ses dettes et sortir de la gêne (Suarès)

Des robes qui sortent de chez les grands couturiers (Le Nouveau Petit Robert)

Sortir sa voiture du garage.

Sortir  un enfant, un malade, sortir son chien. (Le Nouveau Petit Robert)

Sortir une entreprise d'une crise. (Le Nouveau Petit Robert)

Est-il possible de les ramener à un même sémème? (10/20)

2. Commentez et discutez cette affirmation de Patrick Charaudeau (1992, Grammaire du sens et de l'expression, 63):

"Au sens étroit, la polysémie désigne, en synchronie, le fait qu'un même signifiant recouvre des signifiés différents entre lesquels (contrairement à l'homonymie) existe une intersection sémantique.

Entre la fourchette (couvert de table) et la fourchette (estimation statistique) existe la propriété sémantique commune: écart entre deux extrémités; la couverture (de lit), la couverture (d'un livre) et la couverture (en affaires) ont en commun la notion de protection; de même le papillon (animal), le papillon (de la roue de bicyclette) et le papillon (nœud plat servant de cravate) ont en commun la forme matérielle de ces objets: un corps central étroit pris entre deux surfaces en forme d'aile." (10/20)

 

 

Eléments de corrigé

à propos du verbe sortir

 

1) Le premier sens que les dictionnaires donnent au verbe sortir peut être considéré comme le sémème de ce verbe. Voici ce que les différents dictionnaires proposent :

“A. Aller hors d’un lieu, du dedans au-dehors 1. Aller hors (d’un lieu), en parlant des êtres animés.” (LNPR)

“1. Quitter un lieu pour aller dehors ou pour aller dans un autre lieu” (LPLI)

“1. (sujet nom d’être animé) Aller hors d’un lieu” (Lexis).

On peut donc supposer qu’il s’agit d’un verbe bivalent signifiant «X(quelqu’un) va hors de Y(quelque part)».

On signalera cependant que X peut être quelque chose d’inanimé, à condition qu’il soit susceptible de se déplacer ou d’être déplacé :

D'une des cheminées sortaient des étincelles (France)

Malheureuse, quel nom est sorti de ta bouche? (Racine)

et que Y peut être une situation, et non un lieu :

Payer toutes ses dettes et sortir de la gêne (Suarès).

 

2) Quand le premier actant est non animé et non susceptible de se déplacer par lui-même :

Des robes qui sortent de chez les grands couturiers (Le Nouveau Petit Robert)

ou quand le premier actant est animé, mais qu’il ne s’agit pas d’un déplacement physique

Sortir d’une famille honorable

le verbe présente alors l’effet de sens de « être issu de ».

 

3) Quand le verbe est intransitivé et que le second actant n’est exprimé, celui-ci correspond au lieu où se trouve normalement le premier actant, et le verbe présente alors l’effet de sens de «sortir de chez soi» :

Nous sortons tous les soirs. Il sort avec elle depuis un an (Le Nouveau Petit Robert)

les constituants nominaux du SV sont des circonstants, c’est-à-dire des expansions de SV, lequel en l’occurrence est réduit à un simple verbe, puisque ce dernier est intransitivé. La structure syntaxique du second exemple est représentable par l’arbre suivant :

 

4) Quand le premier actant inanimé reçoit une fonction syntaxique de complément, on obtient alors une transitivation factitive, et une phrase comme

Pierre sort sa voiture du garage

signifie quelque chose comme «Pierre fait que sa voiture(1er actant) sort du garage(2ème actant)». Ce type de construction ajoute au sémème de sortir le trait sémique contextuel «fait que». Et quand, dans cette construction, le second actant est une situation, et non un lieu, comme dans :

Sortir une entreprise d'une crise. (Le Nouveau Petit Robert)

apparaît l’effet de sens « (Z) fait que (X) sort de (Y)».

Mais le verbe d’une telle transitivation factitive peut voir son deuxième actant non exprimé, tout comme le verbe sortir peut être intransitivé. Cela fait apparaître l’effet de sens «faire que X sort de chez lui», tout comme le verbe sortir peut présenter l’effet de sens «sortir de chez lui». Exemples :

Sortir  un enfant, un malade, sortir son chien. (Le Nouveau Petit Robert)

Il est donc parfaitement possible de ramener tous les sens plus ou moins différents que les dictionnaires reconnaissent aux différents emplois du verbe sortir à un même sémème bivalent.